accueil book accueil book portefolio actualités book

LE TEMPS DU JARDINIER

Première visite d’un jardin. Je crains de laisser échapper quelque chose d’important. J’ai heureusement griffonné un plan difforme sur le carnet moleskine, rehaussé de pattes de mouches, de notes illisibles et de gouttes de pluies.

 

Ce croquis regorge de pistes. S’il manque un morceau du lieu, la moitié de ma carte au trésor guide le trait qui reconstitue le territoire manquant. Je le regarde et je sais qu’il me faut le reprendre : je l’ai écrasé dans le sens de la verticale, j’ai transformé des diagonales en angles droits, le rapport des volumes est inexact. Et chaque correction me fait parcourir à nouveau le lieu que j’ai visité en aveugle. Pour la première fois je rentre dans le jardin.

 

« Ce que je n’ai pas dessiné, je ne l’ai point vu. »

Goethe, Voyage en Italie, 1786-87

 

Parfois, lorsque le monde est calme, je retrouve ma candeur d’enfant et j’arrive à rentrer dans le jardin encore inconnu loin de toute pollution : seul, sans son propriétaire, vaguant au gré des envies ou des surprises sans l’aide d’un itinéraire, faisant l’éponge de mes sensations spontanées. Je les note avant qu’elles ne s’évaporent, telles un haïku dont le sens m’est encore caché mais qui livrera son mystère par la suite. Etrangement, je sais qu’il renferme aussi toutes les réponses à mes questions, car il est synthèse. Si ce petit miracle arrive, c’est parce que j’oublie le temps séculier pour ouvrir la parenthèse du temps du jardin.

 

J’étais un homme pressé, je suis un paysagiste jardinier.